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Psychothérapies ?


« … je dois d’abord vous dire qu’il existe, bien sur, beaucoup de sortes de  psychothérapies et toutes sont valables si elles atteignent leur objectif, qui est d’apporter la guérison ».S. Freud 1909 (1)
 



Il y aurait à dire sur cet oecuménisme du "jeune" Freud, mais la guérison, est ici une notion devenue très problématique. On guérit bien souvent d'une maladie "physique", mais tous les "troubles" psychiques, ne sont pas sauf exception, reconnues comme des "maladies" physiques...

 


 

De manière assez consensuelle, dans la zone d'influence occidentale, il est admis généralement que le règne des psychothérapies commence "véritablement" avec la psychanalyse. Ce n'est d'ailleurs qu'autour de 1920 que Freud distingue pour sa part très clairement psychothérapie et psychanalyse, ne conservant que le second terme pour faire référence à la discipline qu'il a ainsi fondée. Dans les années 50, la psychothérapie fera son retour  dans le milieu psychanalytique, devant "psychothérapie analytique". A la même période se développent d'autres approches psychothérapeutiques, qui se distancient nettement parfois de l'approche freudienne.


Psycho-thérapie, signifie étymologiquement "thérapie de l'esprit", et possède une finalité explicite qui est la "guérison" ou du moins la disparition des symptômes, dans une conception qui parait assez simpliste dans la perspective psychanalytique où la "guérison"  si elle "vient de surcroît", ne saurait se référer à un idéal  thérapeutique médico-psychologique limité à la seule suppression des symptômes.


Si l'on se fonde sur le sens étymologique de la notion,  on dénombre alors un nombre impressionnant - chiffré parfois à plus de 400 -, de "psychothérapies", et qui ne semblent souvent fondées sur rien de commun (hormis bien sur que la plupart du temps, il y a un "thérapeute", une théorie (de la plus rudimentaire à la plus complexe), un dispositif, un rituel, et des personnes en quête de changement). Thérapies directives, conseils, soutien, thérapies cognitives, thérapies de groupe, thérapie familiale, cri primal, hypnose, thérapie humaniste, abord ethnopsychiatrique, thérapie existentielle, Gestalt, sophrologie, yoga, aromathérapie, kinésiologie, bioénergie, etc ... tous les représentants de ces diverses techniques, se qualifient eux-même fréquemment de "thérapeutes" ou "psycho-thérapeutes"  : ce qui ne renvoie donc nullement factuellement à des formations, des théories du fonctionnement de l'esprit, des techniques qui soient facilement identifiables ou homogènes.


Au point que l'on ait pu dire, non sans un certain dédain, que la psychothérapie ne serait qu"'une discipline de fiction". (2) Position qui rencontre paradoxalement le scepticisme spontané de l'opinion qui bien souvent suppose que ce n'est "pas un "réel" traitement, à l'aune de la pharmacologie ou des interventions chirurgicales. Souvent évoquée en terme de "thérapie par la parole", elle provoque scepticisme, voire ricanement, puisque parler est une activité sociale ubiquitaire". (3) La psychothérapie serait au fond une escroquerie (il arrive d'entendre cela même dans le champ médical...), soit un "simple placebo mis en forme et diffusé abusivement comme thérapeutique, car en effet comment des mots mis en paroles pourraient soigner les blessures de l'âme?" (ibidem).


En dehors d'approches techniques où l'aspect protocolaire - technique est prédominant, là où la relation (actualisation du transfert et immanence du rapport interpersonnel) est mise au second plan, en sourdine, ou même -exclue- c'est-à-dire où le thérapeute s'efface et se constitue en faire-valoir du protocole, d'une méthode, d'un savoir, d'un "objet" dirait-on ailleurs ou encore d'un objet partiel,... soit là où le "psy" ou le "psycho" disparait au profit du -technicien-, du "thérapeute" (de la même façon que l'on requiert un effacement "subjectif" de l'autre côté) : les autres formes de psy/chothérapies, demeurent indissociables de la -singularité- du psychothérapeute...


Manière de dire qu'il ne suffit pas vraiment de "se dire" psychothérapeute pour l'être. La proclamation, l'intention voire le label, ne suffisent pas, quant à ce qui se déroule dans le temps de la "psychothérapie". De la même manière qu'en analyse : c'est par le biais des "effets" psychothérapiques, qu'il sera possible d'inférer qu'il y a - du "psychothérapeute". Et finalement l'on retrouve dans ce qui se rattache à un effet d'après-coup, cette particularité qui donnait jadis et donne parfois encore aujourd'hui, la valeur du label et de la reconnaissance à cet individu que certains se refilaient ou se refilent encore dans la confidence, ce guérisseur, dont la valeur et la réputation tient non au titre qu'il s'affuble, mais selon le discours des intéressés en premier lieu, à ce qu'il "génère" : aux effets qu'il produit, aux changements qu'il induit...



Quoiqu'il en soit, un temps certain est nécessaire avant que puisse avoir lieu un remaniement suffisamment manifeste pour soi même. A l'égal de certaines relations peut-être privilégiées dans l'existence, une relation "psychothérapique" est susceptible de permettre une mutation dans le rapport à soi, et aux autres, si elle se tisse dans un temps autorisant un approfondissement sensible de la relation.


Entreprendre une psychothérapie (analytique) avec un psychothérapeute, c'est décider d'avoir régulièrement rendez-vous avec soi-même par le biais d'un Autre, et accepter de s'exposer, de se débusquer, d'être parfois "inter-loqué", de remettre en question non ses propres "espérances" comme dirait Dante Alighieri, mais ses propres certitudes et doutes... Pas de psychothérapie sans acceptation minimale de cet ordre, sans quelque chose de l'ordre d'un pari certainement audacieux visant à procéder à une sorte de tabula rasa si l'on reprend l'antienne cartésienne préludant aux "Méditations métaphysiques" et autres "Discours de la méthode", même si ce pari s'édifie ici aussi sur une illusion - proprement méthodologique, mais dont la visée est de mettre en travail...


Une psychothérapie suppose ainsi d'accepter de soumettre sa "parole" en séance au tamis du soupçon d'un point de vue "cognitif" et "symbolique", soupçon lui même adossé à une théorie interprétative "supposée-savoir" rendre compte des impasses et des échappées possibles vers un nouvel état d'équilibre plus satisfaisant, visant à atteindre également une intégration et régulation affective plus opérantes et satisfaisantes pour le "sujet" : la "connaissance de soi" comme accès à un savoir fut-il inconscient, - "rendre l'inconscient conscient" selon le mot d'ordre originel - ne représentant plus le seul horizon du processus psychothérapique ou analytique...
 

F. BELLAICHE



(1) Rapporté in P. Roazen, Dernières séances freudiennes, 1995, Seuil 2005.

(2) - J-A. Miller (in " Qui sont vos psychanalystes? Seuil 2002):  " Rions ! pleurons! Ce serait la science ou l'art ou la manière pour faire qu'un autre se sente mieux !... Je te masse les doigts de pied, je te fais crier très fort, courir tout nu sur la plage, je t'apprends à mettre ton oiseau en cage, à ouvrir ta boite-à-malices pour accueillir la bâton de Guignol, je te dorlote, je te relaxe, je te mets de la musique douce, je te dis que tu es le phénix, la plus belle pour aller danser, etc. Tu te sens mieux, n'est-ce pas? Voilà : je t'ai psychothérapié. Je suis psychothérapeute, excusez du peu, désolé pour le rat." Et Miller sans relâcher, poursuit dans une affirmation qui ne laisse pas de discussion possible :" Le thérapeute n'est pas fautif. Il se trouve seulement que la psychothérapie n'existe pas. C'est un panier, un fourre-tout, ce n'est pas un champ, ni une discipline, ni un discours... Il n'y a pas de formation psychothérapeutique. Il n'y a pas de psychothérapeute. Il y a des psychanalystes, éventuellement en formation qui limitent les effets de leur acte quand ne pas le faire nuirait  à tel patient à tel moment. Et puis il y a des activités opportunistes, inclassables, qui se nuancent de la gymnastique à l'hypnose, et dont les agents se disent psychothérapeutes pour faire poids".
Depuis 2002, de l'eau est passée sous les ponts, et une homologation des psychothérapies et de ce que Miller pointe comme bric-à-brac, a eu lieu, ce qui a contribué à hypothéquer encore davantage le champ de la psychanalyse, sans que cela ne change grand chose aux critiques frontales formulées par JA Miller à l'époque...qui sont restées les mêmes, au nom d'une conception de la pureté analytique à maintenir à tout prix. Position qui par ailleurs vilipendait tout autant la nébuleuse pluraliste du freudisme, conçu dans cette perspective comme faisant justement le lit d'un psychothérapisme à tout va, et perdant  dès lors le grain de la substance analytique...

(3) H. A. Nasrallah, Repositioning psychotherapy as a neurobiological intervention. Current Psychiatry 2013 December;12(12):18-19.


 

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